Installées à Fontenay depuis quelques années, deux familles arméniennes sont menacées d’être renvoyées dans leur pays. Parents d’élèves et associations s’organisent pour l’empêcher.
Gyul et Mixael Magakyan, et leurs trois enfants, sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire, depuis janvier. « Le 10 avril, nous avons reçu la visite des gendarmes pour nous demander de quitter le logement que nous occupions »,raconte la mère de famille arménienne, âgée de 30 ans. C’est une
parent d’élève, d’origine russe, qui assure la traduction. Leurs enfants sont dans la même école, Bouron-Massé.
« Une famille intégrée »
Pendant quinze jours, la famille vit dans une chambre d’hôtel… à Aizenay. « Jeudi matin (25 avril), j’apprends qu’ils avaient dormi, la veille, dans une chambre d’hôtel, pour la dernière fois. Ils n’avaient plus de logement », raconte Cosette Guitton, parent d’élève délégué au conseil d’école de Bouron-Massé et membre du comité de soutien crée pour venir en aide à cette famille, ainsi qu’à une seconde se trouvant dans la même situation.
C’est alors que les associations, dont Amisuv et Réseau éducation sans frontières (RESF), font jouer leurs relations pour leur trouver un toit. Une famille accepte de les héberger pour un mois. « Ce ne sont pas des solutions pérennes », reconnaît Philippe Terroire, d’Amisuv et RESF.
La famille Magakyan a fui, en 2015, le sud de la Russie occidentale, où elle vivait, en raison de tensions interreligieuses, explique-t-elle. Un départ doublé de problèmes familiaux. Gyul, Russe d’origine turque, a épousé Mixael, Arménien orthodoxe, malgré la désapprobation de sa famille. Délaissant également sa religion musulmane pour devenir orthodoxe. Autant d’éléments les poussant à partir.
Ils arrivent en 2015 à Fontenay-le-Comte. « C’est une famille intégrée », défend Cosette Guitton. Les filles, Milena, 6 ans, et Nina, 4 ans, vont à l’école. Leur frère, Alen, est né en 2017. Le père avait un travail, mais après le rejet de leur demande d’asile, il l’a perdu. Subsistant grâce à la solidarité de leurs soutiens.
À tout moment donc, ils peuvent être expulsés du territoire français. « Ils n’arrêtent pas de pleurer depuis », confie la parent d’élève. La famille enchaîne les démarches pour tenter d’obtenir la régularisation de leur situation.
Une pétition lancée
Depuis la semaine dernière, des parents d’élèves et les associations se mobilisent, via un comité de soutien. Ils ont interpellé, samedi dernier, le député Pierre Henriet, et lancé une pétition qu’ils ont fait signer sur le marché. « Nous avons déjà recueilli des dizaines de signatures », annonce Philippe Terroire. Un militant qui dénonce « une symbolique négative », avec l’expulsion d’Arméniens, qui coïncide avec la célébration du 50eanniversaire du génocide arménien par l’État français.
Aujourd’hui, ils mettent leur espoir dans un recours gracieux auprès de la préfecture. Mais pour les Magakyan, c’est une épée de Damoclès. Tout comme pour les Vardanyan, arrivés il y a deux ans, dont la fille, Mariam, est élève en 1re L, au lycée Rabelais (lire ci-dessous). « Elle a appris le français avec dans une main, Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, et dans l’autre, un dictionnaire franco-arménien », lance Cosette Guitton, impressionnée. Et le fils est scolarisé à l’école élémentaire des Jacobins.
« Ils veulent juste le droit de travailler »
« Sans l’aide de l’assistante sociale du lycée Rabelais et de l’Amisuv, je crois qu’à l’heure actuelle, nous serions à la rue avec ma famille. C’est une situation compliquée aussi bien pour la poursuite de mes études que pour ma vie quotidienne, témoigne la jeune Mariam. Mes parents n’ont pas le droit de travailler, ils n’ont pas de ressources, donc il nous est impossible de louer un appartement. Depuis le week-end dernier, nous avons trouvé une solution, temporaire, de logement grâce à des gens merveilleux. »
« Mais il n’empêche que je vis constamment avec trois sacs, dont l’un contient mes livres et mes cahiers scolaires. On vit constamment dans la peur et la précarité. Malgré tout cela, j’ai réussi à obtenir de bonnes notes lors de mon bac blanc de français, avec 15 à l’oral et 11,5 à l’écrit, rappelle-t-elle. Ce que je souhaite vraiment, c’est qu’on réexamine ma situation et celle de ma famille. Nous sommes venus en France car nous étions véritablement en danger en Arménie. Nous le serions également si nous devions retourner en Arménie. On souhaite véritablement s’intégrer en France. Mes parents ont toujours travaillé dans leur pays d’origine. Ils veulent juste avoir le droit de travailler. On ne veut pas vivre ici sans rien faire. »
En Vendée, d’autres familles vivent la même situation. « Il y a en cinq à La Roche-sur-Yon », précise Philippe Terroire, déplorant « un durcissement de la loi asile et immigration ».